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Chronique du règne de Manu 1er dit le Petit.

Chronique du 9 du mois d’avril de l’an de disgrâce 20..

Où il est question de pot au lait, de tricoteuses et d’indécents quoique juteux profits…

On ne sut qui glissa cette idée dans l’oreille de Notre Disruptif Galopin, mais le voilà qui en ce jeudi saint, se fit transporter en aéroplane, suivi de la cohorte de Ses Conseillers, dans la bonne ville de Massalia, pour y rencontrer en grand secret Monsieur House, alias le professeur Klorokine. Il se disait le plus grand mal de ce savant dans les salons parisiens. Madame des Combles, grande savante elle aussi, qui faisait la pluie et le beau temps dans le comité des savants que Sa Précieuse Hauteur avait voulu à sa disposition, faisait la lippe dès qu’il en était question. Il en allait de même pour ses dignes confrères. On savait madame des Combles fort bien rétribuée par la maison de Bique-Farma, pour des menus services et autres petits ménages qu’elle leur rendait. Fallait-il y chercher les raisons de la querelle ? La drogue de monsieur House était d’un accès commun. Bique-Farma, telle la bonne Perrette avec son lait, pourrait dire adieu aux profits et autres juteux dividendes. Il se disait aussi que Sa Poudreuse Poltronnerie avait eu vent de ce que bon nombre de ses mauvais sujets voulaient ester en justice contre son gouvernement, et qu’il était grand temps de faire accroire qu’on agissait. Les Conseillers serinaient en cadence depuis la veille que Notre Petit Commodore ferait le lundi de Pâques des annonces fracassantes afin de redresser la situation catastrophique du pays. Parlait-t-on des morts et des affligés, parlait-t-on des miséreux, des pauvres dont la situation ne faisait que s’aggraver ? Que nenni. On ne songeait qu’au commerce et aux affaires.

Les gazetiers avaient été priés de rester à bonne distance. Ils ne purent relater que des nurses fort en colère étaient venues telles les tricoteuses devant Versailles, brandir leur colère sous les fenêtres du bâtiment où s’était retranchée Sa Vibrionnante Petitesse. Monsieur House présenta les résultats de ses travaux. On pratiquait force écouvillonnages, on administrait de drogues bien connues, on évitait la propagation de l’épidémie. Il n’en mourait que fort peu, moins qu’ailleurs semblait-il. Ce savant se présentait comme fort empirique, son art était certes de chercher mais aussi de soigner. Sa Suffisante Fausseté aimait à s’entourer de personnages tel ce médicastre au pouvoir si magnétique. Il y avait tout à gagner à se faire voir en sa compagnie, afin de redorer son image quelque peu ternie. Notre Incorrigible Cabotin avait exigé de pouvoir ensuite poser pour la postérité. Il œuvrait sans relâche à l’édification de sa fabuleuse geste. Les nurses étant occupées à brandir leurs placards sous les fenêtres et point disposées à approcher Sa Pétulante Inconséquence, à moins de pouvoir lui dire vertement son fait, on alla quérir quelques figurantes, que l’on vêtit comme des nurses, en prenant soin de les masquer. Notre Petit Foutriquet, que tout ceci amusait follement – n’était-on pas au bal masqué ? -, posa devant ce parterre, accroupi, revêtu d’une protection que l’on réservait d’ordinaire à celles et ceux qui avaient à véritablement affronter les miasmes. On se pensait sur une scène de théâtre, dans une mauvaise pièce, laquelle n’aurait pas été écrite de la main de monsieur Molière, mais par celle du laborieux hagiographe que Sa Neigeuse Médiocrité rétribuait pour ce faire. N’était pas Eginhard qui voulait, quand le prince tenait plutôt de Badinguet.

Monseigneur le duc de Gazetamère était à nouveau fort ennuyé. Cette maudite épidémie n’avait de cesse de le mettre dans l’embarras. Le Sieur Teutonique, grand Intendant de la place de Paris, avait fait saisir un entrepôt des halles de Rungis afin d’y faire placer les cercueils en attente de sépulture. On avait confié à une officine privée le soin de régenter cette morgue. Les familles éplorées étaient atterrées : non contentes d’avoir perdu un être cher, il leur fallait en sus débourser force écus en attendant le cimetière. Il n’était jusqu’au recueillement qui ne se monnayât fort juteusement. « On peut confiner nos corps mais pas notre humanité ! » tonna Gracchus Mélenchonus. Le duc de Gazetamère promit bien étourdiment qu’une mission serait « diligentée » afin de faire la lumière sur cette affaire. La grippe pangoline était pour certains une source inépuisable de profits. Elle permettait aussi à d’autres de laisser libre cours à leur brutalité. Ainsi l’Intendant de Police de Melun s’était-il imaginé qu’il pouvait s’adjoindre le concours de chasseurs aux bas instincts afin de courir sus aux rebelles et aux contrevenants. L’affaire fit grand bruit. Ceux que l’Intendant entendait charger d’une mission de police étaient ceux-là même qui trouaient chaque dimanche le corps de celles et ceux de leurs concitoyens qui avaient le malheur d’aller aux champignons quand eux avaient décidé de décimer tout ce qui bougeait. Devant le tollé, l’Intendant dut faire machine arrière, s’avisant soudain qu’il n’y avait point de « garanties juridiques suffisantes ».

Ainsi en allait-il en Starteupenéchionne, au pays du cul-par-dessus tête : en plein confinement, le prince de ce pays n’avait jamais autant voyagé, et les assassins se voyaient confier des missions de police. Les Riens et les Riennes méditaient tout cela bien sombrement, tout en se promettant qu’ils n’oublieraient rien. Tout se comptait et se paierait.

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