Où il n’est bien entendu question que de faits imaginaires, sans aucun lien avec quelconque réalité.
Chronique du 30 du mois de mars de l’an de disgrâce 20..
Monsieur de la Sottefripouille pissait de l’aigre. Ce vieux courtisan était l’un de ceux que les Lucarnes Magiques invitaient invariablement à venir donner son avis sur tout. Il y tenait salon et y glosait d’importance. Mais voilà qu’il n’y en avait plus que pour ce savant de Marseille ! Cela échauffait fort les oreilles de cet intrigant, qui s’était fait connaître naguère pour avoir affecté de jouer à l’important sur les barricades lors d’un lointain mois de mai, et dont on se souvenait surtout à cause de quelques écrits fort accommodants sur des relations, parées par d’aucuns de la fallacieuse épithète de « libertines », lesquelles recelaient en réalité moult vices parce qu’elles concernaient de petits enfants. Il y avait eu dans notre pays, pendant fort longtemps, une véritable complaisance pour ces inclinations quand elles étaient le fait d’importants personnages, se drapant dans leurs titres d’écrivain, ou de faux-penseur comme notre monsieur de la Sottefripouille. Lorsqu’elles concernaient des gueux, elles finissaient invariablement devant les tribunaux, du moins telles étaient les missions de la Justice. Ce courtisan, qui s’était empressé au soir de la victoire de Notre Fracassant Jupitou de lui prêter allégeance, avec force courbettes et autres minauderies, s’en prit donc à Monsieur House, lui priant de « fermer sa gueule ». Comment donc ce faux-savant pouvait-il se prétendre génie, avait-il vitupéré vainement depuis ses appartements, confinement oblige. Les partisans du professeur se haussèrent du col. Sur le fil de l’Oiseau Cuicuiteur, un quidam, se faisant passer pour le savant de Marseille, envoya à notre monsieur de la Sottefripouille une réponse bien sentie, dans laquelle il était question d’une ordonnance pour « soigner les connards ». Le véritable monsieur House fit savoir qu’il n’usait jamais de grossièretés. Les Riens et les Riennes s’estimèrent malgré tout vengés de l’insupportable vanité de monsieur de la Sottefripouille.
Un ancien partisan du roi Nico dit Les Casseroles perdit la vie, terrassé par les miasmes de la grippe pangoline. Cette perte affecta fort le chantre de la Starteupenéchionne, le sieur de Barre-Billet. Que des médecins, des nurses, des obscurs et des sans-grades y perdissent la leur, peu lui en chalait, mais que ce personnage au passé sulfureux – il avait joué dans sa prime jeunesse de la canne plombée contre les Rouges qu’il abhorrait- tirât sa révérence, c’était là « un tournant dans cette épidémie ». Un médicastre fort en colère cloua le bec à notre enrubanné barde de la Cour, lequel, en sus de tresser des louanges au seul disparu qui comptât à ses yeux, s’était lancé dans une tirade pour démontrer que nul n’avait tiré l’alarme sur l’état de nos hôpitaux. On sut à quoi le sieur de Barre-Billet occupait ses longues soirées. Cette folle surdité mit en rage le médicastre qui asséna pour tout potage au gazetier et à notre chantre dépités un « foutaises ! » plein de rage qui résumait à lui seul l’état d’esprit des combattants et combattantes du front à l’égard de Notre Planqué Bonimenteur et de sa cour. Il fut aussi question d’incurie et de cet argent « magique » lequel s’était envolé bien complaisamment dans les îles fortunées.
La surdité et la vanité étaient les qualités requises pour appartenir aux Conseillers de Sa Grandeur Amoindrie. Tel ce docte personnage, monsieur de la Panade, présidant la compagnie des savants -laquelle soufflait depuis des semaines dans l’oreille de Notre Poudreux Pétochard, et dont Monsieur House avait claqué la porte -, qui avait prophétisé qu’il n’y aurait point d’épidémie dans notre beau pays. C’était aux recommandations de ce même monsieur de la Panade, et de ses non moins pédantesques confrères, que l’on devait le maintien du Tournoi des Bourgmestres, lequel avait exposé aux miasmes pangolins bien des assesseurs. Certains et certaines en avaient perdu la vie. D’autres luttaient pour ne point la perdre. Les athées du pays apprirent aussi avec effarement que ces savants avaient tout uniment prôné qu’un « soin pastoral » fût prodigué, car il n’y avait pas mieux pour soigner une épidémie. Ainsi avait-on décidé de la création d’une boite à paroles emplie d’ « écoutants dûment choisis par chaque culte » qui apporteraient aux éplorés une sainte consolation.
« De non jamais te servire
De remediis aucunis
Quam ceux de la doctae Facultatis
Maladius dût-il crevare
Et mori de suo malo ! »
Nos savants et doctes médicastres s’entendaient en diafoireuses billevesées.
Ce fut le moment que choisit le duc de Béarn pour faire savoir qu’il existait encore. On ne lui avait rien demandé mais il parla d’importance et se gargarisa: « de cet énorme bouleversement doit sortir un monde nouveau ». En matière de «monde nouveau », le duc de Béarn connaissait surtout les mauvaises pratiques qu’il avait eu à essuyer dans sa Faction.
Monsieur Saint-Martin de la Kirche remplaça la marquise de la Buse dans les lamentations et les épanchements lacrymaux. Il faisait son chemin de Damas, réclamant ici et là des oboles pour les hôpitaux, lui qui avait contribué avec un formidable zèle à détruire des lits, lesquels manquaient cruellement, maintenant que la grippe ravageait le pays et qu’on n’avait plus d’endroits où mettre les suffoquants. Madame de la Buse avait quant à elle trouvé à s’employer -grâcieusement avait-on prétendu – comme conseillère dans la gestion de cette épidémie, qu’elle avait fortement contribué, par sa fuite, à laisser entrer dans notre pays.
Ainsi en allait-il en Starteupenéchionne, ce pays dont le Roy était un enfant capricieux qui s’amusait à la guerre.
En ces temps troublés, merci pour ces balades littéraires et ces figures de style. Merci de manier avec autant de talent des tournures aussi étonnantes qu humoristiques qui façonnent des chroniques pleine de créativité
Chere julie, tu es une virtuose des nuances et des mots oubliés de la langue française
Plus efficace qu un antidépresseur, tes chroniques devraient être prescrites par un corps médical reconnaissant !!!
Merci Marie 🙂