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Chroniques du règne de Jupithiers, au temps de la grippe pangoline.

Chronique du vingt cinquième du mois de juin, en l’an de disgrâce 20…

Où il est question d’une certaine joute, où s’échangèrent moult perfidies…

Le terme du Tournoi des Bourgmestres approchait à grand pas. Mesdames de l’Ide-Aligot, de la Datte et de la Buse avaient prévu de jouter afin que chacune fît valoir ses grandes qualités, son atour et son verbiage. Mais voilà qu’un événement tout à fait inouï venait de se produire. Les gazetiers de la Bonne Fille de Son Maitre – c’était en effet dans les salons de cette gazette officielle du régime que devait se dérouler la joute – avaient décidé d’avoir recours aux pratiques des gueux pour exprimer leur mécontentement devant la mauvaise fortune qui s’abattait sur eux : on allait les remercier de leurs bons et serviles offices. N’étaient concernés que les obscurs et les sans-grades sans qui cette Lucarne Magique n’aurait pu exister. Il n’était bien entendu pas question de mettre Madame du Chiendent au chômage, pas plus que madame de l’Aile-Griffe. Cette dernière s’offusqua fort de ce que la joute entre les prétendantes au fauteuil de bourgmestresse de la capitale n’eût pu avoir lieu à la date prévue. Elle mit tout en œuvre pour que cela se fît le jour qui suivit. On ne pouvait se passer de ce feu d’artifice d’intelligence et de charme.

La duchesse de l’Ide-Aligot commença très fort en apportant son soutien aux fâcheux qui osaient cesser le labeur. Elle réclama des conditions dignes pour ces pisse-copies. La baronne de la Date n’en fut point de reste, enfonçant à son tour le clou de la bonne parole sociale, dont elle ne pensait pas un traitre mot. Ce fut un crève-coeur pour la marquise de la Buse de devoir enchérir, alors que parvenaient aux oreilles de Madame de l’Ide-Aligot des lazzi et des quolibets : c’étaient les cochers des voitures de remise de la maison Hubert, qui réclamaient justice. Ils allaient subir le même sort que les barbouilleurs de La Bonne Fille de Son Maitre. Assisterait-on à un début de fraternisation entre ces nouveaux damnés de la terre ? Verrait-on madame de l’Ide-Aligot entonner l’Internationale ? Las ! Elle continua de pérorer, à l’instar de ses concurrentes. Chacune avait échafaudé des plans mirobolants pour magnifier encore la capitale. Place au vélocipède ! Madame de la Buse concéda que cet engin lui faisait encore bien peur . Elle en profita pour lâcher une perfidie à l’encontre de madame de l’Ide-Aligot, l’accusant in petto avec ses pistes pour les vélocipèdes d’empêcher les carrioles transportant les blessés de pouvoir accéder à l’hôpital. La duchesse prit le mors aux dents et hennit contre la marquise. Il ne s’en fallut de peu qu’elles n’en vinssent aux mains. Puis ce fut au tour de la baronne de la Datte de décocher une flèche venimeuse et de courir sus à cette pauvre madame de l’Ide-Aligot. On eût dit qu’elles s’étaient liguées toutes deux contre elle, pour fustiger ce que la marquise appela avec la morgue qui la caractérisait « le bazar » de la duchesse. Madame de l’Ide-Aligot trouva la chose fort plaisante venant de celle qui avait quitté sa Chancellerie de la MalPortance au moment où notre pays subissait l’invasion des miasmes de la grippe pangoline. et ne se priva point de le faire savoir à son adversaire, s’éventant furieusement et lançant forces oeillades à la cantonade.

Le reste fut à l’envi, chacune essayant de faire valoir son originalité. Elles furent médiocres et envieuses. La marquise de la Buse, qui savait que le Roy ne manquerait pas de lui faire des remarques désobligeantes si elle n’arrivait point à se démarquer, abattit ses atouts : si elle devenait bourgmestresse, Paris rayonnerait ! Pour une qui n’aimait pas le vélocipède, cela était fort piquant. Quant à la baronne de la Datte, qui s’était achetée une conduite depuis ses frasques du temps où elle occupait la Chancellerie des Balances, sous le règne de l’ancien roi Niko dit les Fadettes, piquée au vif par la marquise de la Buse qui lui prêtait une proximité fort gênante avec les Haineux – le vieux chatelhain de Montretout ne venait-il pas de la choisir pour sa championne ? – elle répliqua avec hauteur et morgue qu’elle n’avait point besoin de chaperon pour faire de la politique, cantonnant ainsi la marquise à un rôle de dame patronnesse, ce pour quoi elle ressemblait en tous points.

Paris valait toutes les bassesses et les mesquineries. On en eut un bel exemple.

Un commentaire sur “Chroniques du règne de Jupithiers, au temps de la grippe pangoline.

  1. Grand bonjour de Bretagne, d’où je digère les quelques mois de folie que nous avons traversés…et les dernières élections municipales avec plus de 60% d’abstention et les insoumis qui ont disparus comme les Gilets Jaunes ? merci de faire vivre et de donner corps à tes idées, celles que nous sommes nombreux à partager.

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