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Chroniques du règne de Jupithiers, au temps de la grippe pangoline.

Chronique du quinzième jour du mois de juin, en l’an de disgrâce 20

Où il est question de lauriers bien usurpés, de miasmes étrangement contenus et de cerises massaliotes.

Sa Verbeuse Condescendance avait donc parlé. Tout avait été dit à propos de cette énième jacasserie. Une folle rumeur avait couru que le Roy annoncerait son abdication, ceci afin de mieux renaître de ses cendres, et se représenter, tout auréolé de sa nouvelle bravitude, au Tournoi de la Résidence Royale, que l’on se presserait, toutes autres affaires cessantes, d’organiser en grande pompe.

Il n’en fut rien. Les Riens et les Riennes les plus téméraires, armés de leurs fourches et de leurs piques, à l’heure dite, se plantèrent bravement devant leur lucarne magique et s’infligèrent bravement d’écouter Son Insipide Grandiloquence. Cela dura vingt interminables minutes. On se frotta tout d’abord les yeux. La machine à remonter le temps était-elle devenue réalité ? On se crut en effet, le temps d’un bref instant, revenu plus de huit années auparavant. La raison en était que Notre Pâle Imitateur avait répété des heures durant avec le roi Niko dit les Casseroles, dit aussi le Talonneux et il avait pris de son nouveau mentor toutes les mimiques, ainsi que la gestuelle. L’effet était pour le moins saisissant. Le Roy s’était-il aussi juché sur une petite caisse pour être à la hauteur ? Las ! Niko était un mauvais précepteur, et le texte de la pièce semblait tenir de la farce la plus éculée. Notre Cireux Histrion énuméra donc de façon fort plate des banalités creuses et vides – ce que Gracchus Mélenchonus appela de leur nom savant, des truismes – de sottes évidences qu’il déclama selon son habitude, le regard fixé sur le parchemin que lui déroulaient à mesure ses laquais, ménageant des effets qui retombaient aussitôt tels de mauvais soufflés. Sa Soporeuse Jacasserie se fit ainsi tour à tour Guide Touristique, Grand Inquisiteur Rectal, Grand Économe, Directeur d’Hospice pour vieillards, Grand Philosophe et Maître du Prêt à Penser…Tout y passa. On bailla copieusement, tout en fourbissant les fourches et les piques, pendant que Notre Moulin à Paroles continuait de débiter mécaniquement son discours. Après avoir joué le rôle de Monsieur de la Salmonelle en délivrant une pompeuse leçon sur l’évolution des miasmes, Sa Béate Suffisance entama enfin le morceau de choix de son allocution : le sacre par la remise de la couronne de lauriers, la seule véritable raison d’être de toute cette mise en scène. On put ainsi voir – de ses propres yeux – s’effectuer le tressage de ce diadème. On n’était jamais aussi bien servi que par soi-même. Les feuilles étaient d’émeraude, serties de l’or le plus fin, ainsi qu’il sied à Celui qui a vaincu seul, armé de son bâton à écouvillonner, la terrible grippe pangoline. Puis ce fut le miracle ! On crut apercevoir Dieu en personne se pencher sur Notre Glorieux Imposteur et lui déposer sur son noble chef ce symbole de bravitude. Alléluia ! A ce stade, les Riens et les Riennes avaient soit planté leur pique au beau milieu de leur malheureuse lucarne magique, soit ils avaient passé leur ire sur leurs innocents bambins, soit encore ils s’adonnaient sans retenue à la dive bouteille, laissant le Roy continuer sur son erre, tel un navire en perdition dans l’océan de l’autosatisfaction.

Les gazetiers – pour une fois qu’ils furent d’une quelconque utilité – se chargèrent de résumer le discours de Sa Vaporeuse Profusion. Cela tenait en un mot : rien. On ne retint rien, ou si peu. Des annonces avaient certes été sentencieusement énoncées, mais elles ne contenaient qu’un renvoi au mois de juillet. La seule chose tangible que l’on eût à commenter fut que le sacro-saint protocole élaboré si magnifiquement par les gens de Monseigneur le duc de la Blanche Equerre – lequel était occupé à fabriquer des figurines de cire à l’effigie des maîtres fainéants et récalcitrants – vivait ses dernières heures. A peine né et si vite condamné ! L’Histoire était bien cruelle. Les bambins et les galopins ne seraient ainsi plus obligés de se tenir loin les uns des autres que « latéralement ». On en resta coi. Avait-on fait une nouvelle découverte sur les miasmes, lesquels ne pouvaient se transmettre que de côté à côté et non point de derrière à devant ? Nul n’ignorait que les bambins et les galopins ne se retournaient jamais vers leur voisin de derrière. Et il y avait les masques, que diable !

Ainsi donc, à l’époque où il était de coutume de faire des rondes avec les cahiers et la maîtresse au milieu, afin de célébrer la fin de l’année scolaire et le tant attendu retour de l’été, voilà que ces maîtres des petites et des moyennes escholes, désormais honnis, promis aux plus cuisants des châtiments pour celles et ceux qui avaient démérité – les gazetiers avaient ouvert la chasse et exigeaient que des têtes tombassent -, voilà donc que ces fainéants et ces inutiles étaient sommés de revenir au labeur, ainsi que leurs ouailles, à qui l’on dispenserait des leçons et encore des leçons jusqu’à ce que mort du maitre s’ensuivit, ou presque. Dans les chaumines, ce fut la consternation. On peinait à saisir le sens de cette martiale décision. Sauf à penser une fois de plus que Notre Implacable Despote entendait faire un exemple. Ainsi les phrases creuses énoncées pompeusement en première partie du discours – « plaisir d’être ensemble » « art de vivre » « goût de la liberté » – résonnaient-elles telles des provocations. Sa Fielleuse Bonimenterie ne pensait pas un traître mot de ce verbiage. Ce qui faisait autrefois le sel du métier de magister – la transmission des savoirs – était foulé aux pieds par les diktats de l’Eglise du Saint-Capital, dont ce prince n’était au fond qu’un vulgaire officiant.

Il ne fut jamais question de Monsieur du Havre – dont il se murmurait qu’il se préparait en grand secret à devenir le champion de la Faction des Raies Publicains – , son nom était désormais banni. Quant à tous ceux qui attendaient l’avènement d’un nouvel et fracassant acte du règne, ils en furent pour leurs frais. On fustigea ici et là une « réinvention très cosmétique », Notre Lipochromique Bibelot ayant comme à son accoutumée fort usé de la poudre de son ami Donald. Le bien falot baron de l’Amphore, le chef de la Faction de la Rose, sentant qu’il lui fallait dire quelque chose, opta pour quelques questions lancinantes, lesquelles ne recevraient jamais de réponses. Gracchus Mélenchonus, outre qu’il fustigea les emprunts éhontés à ses propres discours, versa dans la métaphore spiritueuse, le discours du Roy devenant ainsi une doucereuse mais néanmoins soûlante liqueur destinée à abrutir les consciences. Il n’y eut que le primesautier monsieur du Marais, du parti des Jardiniers, pour voir du vert dans le discours de Sa Gazonneuse Propagande. Il voyait du vert partout. Quant à ce qui défrayait la chronique – les protestations contre les violences de la maréchaussée et les quolibets haineux et rassistes dont certains des argousins étaient bien trop coutumiers – Notre Petit Pyromane tenta bien de redonner quelques gages à la partie de la population dont les poils se hérissaient face à ces « Nègres » qui voulaient s’en prendre aux statues. Las ! Il ne rassura personne et mécontenta tout le monde.

Cependant, dans la bonne ville de Massalia, – là où un vieux chêne, dont le tronc manquait cependant de cette noblesse d’âme qui font d’ordinaire les grands arbres, avait laissé choir bon nombre de glands- on n’avait cure, comme à à l’accoutumée, de ce qui se passait à la capitale. On y protesta aussi vigoureusement contre les débordements de la maréchaussée, mais les yeux des Riens et des Riennes se fixaient surtout sur la baronne Tine de La Vasse, prise les deux mains dans un grand pot de confiture, dont elle avait espéré pouvoir se régaler en toute impunité et ainsi remporter le Tournoi des Bourgmestres. L’affaire était la suivante : des gens de madame de La Vasse avaient cru bon de proposer aux habitants – qui n’osaient point se déplacer à cause des miasmes pour assister au Tournoi -, de choisir à leur place les vainqueurs, et apporter ainsi des suffrages supplémentaires à la baronne. L’affaire fit grand bruit. Des gazetiers de la capitale s’y employèrent.

La baronne, tout occupée à rédiger un billet pour obtenir un rendez vous avec Gracchus Mélenchonus – pour qui elle nourrissait en secret une admiration sans bornes – fit l’innocente. Comment avait-on osé comploter dans son dos de telles turpitudes ? Elle se récria, clama son innocence et pour preuve de sa bonne foi, demanda que l’on annulât incontinent toutes ces procurations, lesquelles avaient été usées abondamment au moment du premier tour de piste, le quinze du mois de mars. Ce faisant, elle fâcha fort madame de la Galinette Centrée, dont d’aucuns murmuraient qu’elle avait passé des accords secrets avec madame Tine de La Vasse. Sur les terres de la première, on avait eu aussi, semblait-t-il, beaucoup recours à ces bons offices procuratoires. Les miasmes avaient été bien complaisants. Un ennui n’allant jamais seul, Madame Tine de La Vasse dut essuyer une nouvelle déconvenue. Gracchus Mélenchonus lui fit publiquement savoir, en des mots fort choisis, qu’il déclinait son invitation. Il lui proposait en échange d’aller se mettre au vert et goûter aux cerises des Printaniers, lesquels entendaient bien faire souffler un vent de fraicheur sur les rives du Lacydon, depuis les collines des calanques jusque dans les faubourgs du village de Saint-Antoine.

Ainsi en allait-il en Starteupenéchionne, aux Ides de Juin.

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