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Chronique du règne de Manu 1er dit Le Transcendé.

Chronique du lundi suivant le dimanche des grandes annonces, au mois d’avril de l’an de disgrâce 20.., au temps du Grand Confinement.

Où il est question d’une fameuse expérience, de la relativité de toute fin, et de fumée.

Les Riens et les Riennes, en ce dimanche 20 du mois d’avril, au trente quatrième jour du Grand Confinement, furent conviés à se livrer à une expérience aussi inouïe qu’extravagante : celle du vide. On les invita à se masser devant leurs lucarnes magiques, au fond de leurs chaumines, afin d’assister à cet éblouissant spectacle dont on parlerait longtemps dans les livres d’histoire. Sous une tente blanche, parée d’étranges tableaux montrant des pics et des creux,  des duettistes, vêtus à l’identique, se présentèrent au public. Ils avaient des mines fort satisfaites. Il ne fut point difficile de reconnaître le Premier Grand Chambellan à la barbe mitée et son compère le Chevalier d’Alanver, la fine cousette de la Starteupenéchionne. Une mystérieuse cartomancienne – qui n’ était autre que Madame Des Combles, la grande savante- , vint apporter une caution toute scientifique à l’expérience : cette digne femme affirma avec le plus grand sérieux que la date du onze mai, proférée par Notre Malveillant Thaumaturge, pour la réouverture des escholes – mais non point des lieux publics ! – avait été fondée sur des critères « scientifiques », contredisant avec aplomb son confrère monsieur des Fraises, lequel présidait le comité des savants et venait de faire connaître ses doutes. Madame Des Combles, dont il se murmurait qu’elle attendait un maroquin dans le futur gouvernement de « cons-corde », fut elle-même contredite par un autre médicastre de renom, monsieur de la Pie-des-Houx, qui proclama que ce choix était tout politique et en rien scientifique. Cela n’entama en rien la jovialité lunaire de nos brillants duettistes. Ils furent mis à la question de façon fort sibylline par une voix désincarnée qui les sommait mollement de répondre à des interrogations. Cela dura une éternité. Parmi les Riens et les Riennes qui avaient décidé, les imprudents, de tenter l’aventure, peu parvinrent à bon port. Beaucoup se sentirent mal en chemin et il fallut tout le courage de leurs proches pour les évacuer et leur prodiguer les premiers secours. Quant aux braves qui firent l’expérience jusqu’à son terme, ils en ressortirent changés et bouleversés. Pour qui la vivait entièrement, l’expérience du vide était une épreuve qui vous retournait les sens et l’entendement.

On questionna ces braves pour savoir ce qu’ils avaient appris de ce voyage dans le vide. Cela tenait en un seul mot, qui était aussi celui de leur condition : rien. Il fallait se rendre à l’évidence : le Premier Grand Chambellan n’avait plus aucun pouvoir, et encore moins celui d’annoncer, ce dernier étant l’apanage de Notre Divin Prince des Nuées. Que fit donc monseigneur de la Flippe, duc du Havre pour parer à cette incapacité ? Il glosa à l’infini, se perdant tout seul en circonvolutions confuses, dont il avait à peine à ressortir. Tout au plus apprit-on que le masque serait « probablement » obligatoire pour se déplacer, mais à la vérité, on n’en savait rien. Les écoles réouvriraient le onze du joli mois de mai, l’affaire était entendue, mais on ne savait point encore comment tout cela se ferait. Le reste fut à l’envi. L’opposition fustigea sévèrement le duc : zéro annonce, zéro réponse, zéro stratégie ! cuicuita furieusement le baron de la Bade, chef de la faction des députés de LaRaipoublique. On tança aussi d’importance le Premier Grand Chambellan pour s’être livré à ce que d’aucuns n’hésitèrent pas à qualifier de pantomime où la congratulation tenait lieu de tout propos. Fort heureusement, le Chevalier d’Alanver régala l’assemblée par de joyeuses pirouettes. Il narra avec beaucoup de vérité la fable des masques, et commença d’en broder une nouvelle sur les écouvillonnages. Malheureusement pour lui, comme il n’avait point l’habitude des travaux manuels, sa cervelle ne suivait point. Ainsi apprit-on de sa bouche la relativité de la fin ultime. « Il y a des gens qui meurent plus que d’autres » professa-t-il doctement. A ce stade de l’expérience, peu nombreux étaient les Riens et les Riennes encore présents à subir ce qui relevait au final d’une forme de supplice. Le duc de Fairy, un ancien Chambellan du roi Nico-dit-les-Casseroles, et à qui on n’avait rien demandé, mais qui avait toujours eu la fâcheuse habitude de s’exprimer sur tout et en toute occasion, avait fait de savants calculs : la somme de ce que l’on avait appris à l’issue de ce passage à la question tenait en moins de trois minutes. L’expérience quant à elle avait duré presque trois heures.

Certains parmi les rescapés, qui étaient arrivés à bon port sans trop de dommage, mais la cervelle quelque peu embrumée cependant, se souvinrent le lendemain que le Premier Grand Chambellan, mis à la question sur le fait que de braves Riens et Riennes, rendant possible par leur abnégation la tenue du Tournoi des Bourgmestres, avaient contracté la grippe pangoline – certains en étaient morts- avait nié toute relation de cause à effet. Tout avait été soigneusement préparé, voilà ce qu’avait affirmé – tout en vacillant et en se perdant dans ses « éléments de langage »- monseigneur le duc. Et de rappeler les « gestes barrière », les distances, les alcoolats et caetera. La fable avait été maintes fois servie par Notre Poudreux Bonimenteur en personne. Monsieur de la Flippe imita jusqu’au bout son suzerain. Si ces braves avaient été contaminés par les miasmes, c’était tout simplement à cause de leur vie dissolue ! Et le Grand Chambellan et ses compagnes les mites d’exposer sournoisement que le samedi précédent le dimanche du Tournoi avait été « un moment d’intense vie sociale » . Idem pour le dimanche, où chacun s’était précipité pour batifoler dans l’herbe printanière. Monsieur du Havre était pris de la même épidémie d’amnésie qui frappait sans retenue quiconque approchait Sa Mensongeuse Altitude. Il avait oublié qu’il était lui-même, ainsi que tout le gouvernement, en charge de contenir cette épidémie dont personne ne pouvait maintenant douter qu’il y avait eu suffisamment de signaux annonciateurs, et qu’il aurait peut-être été judicieux que quelques mesures fussent prises en temps et en heure. En lieu de quoi, on avait produit tant et plus – et l’on continuait- de la fumée afin d’obscurcir l’entendement des Riens et des Riennes.

On apprit par Gracchus Melenchonus qui ne cachait pas son ire, que Son Immanente Transcendance s’apprêtait tout unimement à convier au Château les nonces, les imams, les pasteurs, les aréopages et autres dignitaires de confréries, ceci afin de leur délivrer le message qui lui était apparu en songe et rétablir définitivement le droit divin. Ainsi en allait-il en Starteupenéchionne, au trente quatrième jour du Grand Confinement, au temps de l’épidémie de grippe pangoline. Amen.

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