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Chronique du règne de Manu 1er dit l’Evaporé

Chronique du 18 mars

 

Madame de La Pique était une gazetière fort bien en cour. Elle jabotait chaque soir sur la Deuxième Lucarne Magique. Il fallait en urgence éteindre l’incendie que les révélations de cette écervelée de madame de La Buse avait suscité. Monsieur du Havre se fit donc annoncer. Madame de La Pique le mit à la question. « Monseigneur, qu’est-ce donc que ce mot de mascarade ? Expliquez-nous ! » susurra doucereusement la belle gazetière, avec le sourire factice qu’on lui connaissait, et que d’aucuns trouvèrent ce soir-là quelque peu moqueur. Le Premier Grand Chambellan, bien que ce fût lui qui eût exigé de pouvoir venir dérouler ses « éléments de langage », était fort courroucé. Les mites de sa barbe en furent dérangées. « Je voudrais dire les choses très clairement » articula-t-il à plusieurs reprises, l’air mauvais. Plus il prévenait de cette intention, plus son discours s’embrouillait. Ce n’était point de la faute du gouvernement ! Il incrimina tour à tour les savants qui avaient donné toutes les garanties que ce Tournoi -dont on ne pouvait priver le peuple – pouvait se dérouler au mieux, il gourmanda les inconscients qui après avoir choisi leur champion au Tournoi, s’en étaient allés baguenauder sur les rivages de la Seine. Voter avait été permis, musarder non. C’était là grande faute. Notre Délicat Bonimenteur avait recommandé de procéder régulièrement à l’ablution des mains. C’est ce que fit monsieur du Havre. Il se lava les mains et se blanchit de toute accusation. Ce qui était vérité le dimanche ne l’était plus le lundi et voilà tout . Il fallait s’en contenter pour tout potage.

 

Pour achever la confusion, le Premier Grand Chambellan annonça fort pompeusement que les bourgmestres qui avaient été vainqueurs à ce premier tournoi pourraient aller s’installer dans leurs beffrois, avec leurs suites et ce dès le samedi qui allait suivre. « Mais comment donc, monsieur le duc, n’est-on point entré dans le Grand Confinement ? ». C’était à n’y rien comprendre derechef. Les nouveaux lauréats refusèrent tout net d’obéir à cette suggestion qui leur paraissait totalement déplacée.

 

Dans les hôpitaux, on attendait toujours les masques et les alcoolats. A Lyon, des cousettes vinrent offrir leurs services pour confectionner des masques. Pour ce qui était des alcoolats, Monsieur de l’Arrenot ce grand Saigneur dont la générosité n’avait d’égale que son orgueil, déclara que ses manufactures allaient en fabriquer et les distribuer gracieusement. On les mettrait dans de petites fioles qui porteraient naturellement ses armoiries. Dans l’attente de se voir immortalisé sur les futurs vitraux de la nouvelle Notre-Dame, il se contenterait d’être présent sur ces petits flacons.

 

Monsieur du Dard-Malin s’illustra par sa pingrerie et sa mesquinerie. Il fit savoir que  la meilleure prime – que d’aucuns réclamaient qu’elle fût enfin donnée à celles et ceux qui s’épuisaient sur le front de l’épidémie, serait de respecter les ordres de confinement. Il fit cependant débourser par le Trésor quelques deux petits milliards d’écus, alors que le Chambellan au Commerce, monsieur de l’Amer, gratifia généreusement les manufactures et autres maisons d’affaires de quarante cinq milliards de ces mêmes écus. Il ne fallait point désespérer l’économie. Le choc serait trop terrible. Qu’il tuât des Riens et des Riennes n’émouvait en rien ces personnages qui avaient fait leur depuis belle lurette la devise d’outre-Manche « business is business ».

 

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