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Chronique du règne de Manu 1er dit le Dégonflé.

Chronique du 20 janvier

Notre Petit Bouffon voulut se changer les idées. « Mon ami, sortons au théâtre, avait suggéré la Reine-Qu-On-Sort ». Ce qui fut fait. Las ! L’arrivée de Son Indésirable Suffisance s’était fait remarquer par quelques factieux qui rôdaient dans les rues alentour. La nouvelle fut vite connue. La canaille se rassembla et assiégea le théâtre. On engagea même une intrusion. La maréchaussée arriva sur le champ avec une malle afin de pouvoir faire sortir Notre Huileux Pétochard. Ce qui fut fait sous les huées.

En représailles, on fit mettre aux fers un gazetier factieux – il en existait quelques uns, férocement pourchassés par les argousins- soupçonné d’avoir appelé la populace à venir attenter à la sécurité de Notre Piteux Exfiltré. Il fallait en finir avec ce personnage. On fit fabriquer des preuves calomnieuses pour faire accroire à la culpabilité de ce conjuré et l’embastiller. Las ! La juge devant laquelle on le déféra ne suivit point les réquisitions du Parquet et il fallut bien relâcher cet excitateur qui ne perdait rien pour attendre.

Il était désormais devenu impossible à Sa Grande Déroute de se montrer en public sans que l’on ne transformât le lieu où il se rendait en forteresse. D’aucuns s’avisèrent que on n’était plus en Startupnéchionne mais en Bunkernéchionne.

Ainsi en allait-il de la bonne ville de Dunkerque. Le lundi 20 de ce mois de Nivôse, Notre Petit Commis Voyageur avait à son programme la visite d’une manufacture de médications, laquelle avait reçu moult argent sonnant et trébuchant pour établir son activité dans notre riant et accueillant pays.

Depuis la veille, on avait fait se déplacer une armada d’une dizaine de milliers de reitres noirs afin d’empêcher les séditieux de se rendre aux abords de la manufacture. On ferait donner le canon et la mitraille si besoin s’en faisait sentir.

Il en allait de même à Versailles où Sa Hauteur Enneigée devait ensuite se transporter – après des agapes avec ceux des Saigneurs que l’on avait conviés à Dunkerque – pour y rencontrer d’autres de ces grands capitaines d’industrie que la Startupnéchionne avait à cœur de choyer afin qu’ils vinssent profiter des deniers publics. Le soin d’accueillir en premier ces Très-Importants -venant du monde entier- avait été confié à Monsieur de la Flippe, duc du Havre et Premier Grand Chambellan. Là encore un substantiel déjeuner attendait tout cet aréopage, on se congratulerait et on trinquerait à la tonte des Riens et des Riennes. Vingt parmi les Chambellans devaient jouer les dé-marcheurs. Notre Poudreux Monarc n’aimait rien tant que les anglicismes, et il avait baptisé cette campagne – c’était déjà la troisième- du nom charmant de « Choose the Startupnéchionne ! ». Les salons du Château étaient depuis quelques jours déjà des lieux d’exposition où l’on pouvait admirer des objets fabriqués au pays. Tout ceci était organisé pour vanter le dynamisme de la Startupnéchionne.

Cette fabuleuse journée devait s’achever à Trianon où Sa Ruisselante Hospitalité offrirait un banquet des plus somptueux. Il y avait de l’argent magique à foison dès qu’il s’agissait de cajoler les Très-Chers-Amis.

A Versailles aussi, on avait fait se déployer en force la maréchaussée. Un périmètre interdit de circulation avait été délimité. Aucun mouvement de carriole – même de luxe- n’y était toléré, et si d’aventure, on voulait se déplacer, il fallait un laisser-passer. Le couvre-feu avait été instauré jusqu’au lendemain.

Mais à l’extérieur des salons dorés, la Fronde ne désarmait point. Il régnait dans le pays une ambiance des plus orageuses. Les partisans de la Faction de la Marche découvraient l’Histoire. Bon nombre d’entre eux avaient toujours cru que celle-ci avait commencé avec l’avènement de leur Divin Bambin, et qu’avant cela on vivait dans les grottes. Ils découvraient, effarés, que le peuple des Riens et des Riennes avait une mémoire, et que, dans cette mémoire, figurait en bonne place la Grande Révolution et ses aspirations. Beaucoup en avaient des prurits du côté du col.

Chez d’autres, telle Madame de Dit-Aille, Porte-Mensonge du gouvernement de Sa Sanglante Répression, on se découvrait une ardeur à tout « assumer » – c’était le seul verbe présent dans le vocabulaire de cette zélée courtisane – et on l’affirmait bien fort. On assumait ainsi la violence de la maréchaussée : les yeux crevés, les mains arrachés, les crânes fracassés, c’était là bien peu de choses en regard de la noble tâche que s’était fixé Notre Inflexible Tyranneau.

Adrien Le Rouge, tribun des Insoumis, grand gaillard au flegme tout nordique, mais qui n’amoindrissait en rien l’acuité de son esprit, eut ces mots : « Ce grand raout de « Choose Startupnéchionne » est celui du ruissellement. Il y a de la besogne ! Songez que dans notre riant pays, sept des plus richissimes possèdent davantage que le tiers de la population réunie ! Le jour où ça va ruisseler, il faudra un bon parapluie ! ». En attendant ce moment, les Riens et les Riennes, c’est à dire les Sans-Dents, continuaient de brandir les fourches et les piques de la colère, que leurs ancêtres, les Sans-Culottes, leur avaient léguées, à toutes fins utiles.

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