Chronique du 23 décembre.
Depuis la lointaine Afrique, Son Himalayenne Sainteté annonça à ses sujets réfractaires et égoïstes, afin qu’ils devinssent enfin raisonnables, qu’Elle entendait renoncer à la confortable pension qui devait lui échoir à la fin de son mandat, si d’aventure – à l’instar de ses prédécesseurs – elle ne parvenait pas à remporter à nouveau le Tournoi de la Résidence Royale. Cette coquette pension se montait à six mille écus mensuels, soit l’équivalent d’un des nombreux ménages du baron de La Voille. Notre Céleste Anachorète montrait ainsi l’exemple : renoncez à votre retraite ! Tel était le divin et disruptif message.
C’était là ignorer une cruelle vérité : de nombreux Riens et Riennes renonçaient eux aussi chaque année à leur retraite : ils mouraient avant d’en avoir pu en toucher une pistole. Ce sort allait devenir celui du plus grand nombre si l’on faisait passer en force la merveilleuse Réforme des Vieux Jours.
Mais de toute cette ennuyeuse réalité, Sa Morgueuse Hauteur n’en avait cure. Le triste et gris monde des Riens et des Riennes lui était totalement étranger. Le roué et avide marquis de Dard Malin s’était étendu là-dessus dans une gazette. Il manquait, avait-il péroré, un Monsieur Peuple à Notre Délicat Esthète. Le roi Nico dit Les Casseroles avait eu ainsi Monsieur de la Bourre L’Eau, qui savait adopter les viles manières : boire de la cervoise et manger avec les doigts. C’était ainsi que le marquis voyait le peuple : des gueux rotant, les mains graisseuses. Monsieur de Dard Malin avait oublié qu’il était un anobli de fraiche date et qu’il n’y avait pas si longtemps que ses ancêtres ne se vautraient plus dans la fange.
Ainsi en allait-il en Startupnéchionne, à la cour de Sa Provocante Mesquinerie : le mépris et le mensonge étaient valeurs cardinales qu’il fallait pratiquer à l’excès. Notre Précieux BoniMenteur montrait lui même l’exemple : on apprit ainsi qu’Il ne renoncerait point à sa pension, elle serait juste réévaluée à l’aune des points magiques de sa merveilleuse Réforme. »