Chronique du 18 août
Notre Précieux Pipoteur avait reçu en songe la visite de son très cher Maréchal. Ce dernier lui conseilla de parler à ses sujets en ces termes : réconciliation et héroïsme, résignation et abandon. A son réveil, il ordonna à ses Très-Chers-Conseillers de rédiger un énième discours qu’il lirait le jour même devant le parterre de cinq cent figurants à Bormes-les-Mimosas. Sa Verbeuse et Martiale Suffisance, le teint repassé au brou de noix, en appela donc les Riens et les Riennes à se réconcilier, et annonça comme à son habitude une chose et son contraire. Comprit qui voulut. Les gazetiers-fort-bien-nourris-aux-croquettes encensèrent leur idole et maître, Les Riens et les Riennes soupirèrent. Ils n’étaient point fâchés entre eux, ils exécraient seulement celui qui les traitait comme des enfants tout en les privant un par un des droits arrachés de longue lutte à ceux qui n’avaient eu de cesse de s’enrichir sur leur dos.
La Reine-Qu-On-Sort apparut aux côtés de son Divin Epoux le bras en écharpe. Les gazetiers la plaignirent d’abondance. Le mot « blessée » courut dans toutes les rédactions. Qu’était-il arrivé à la Tendre Moitié de Notre Petit Baigneur? Avait-elle du attendre de longues heures oubliée sur un brancard dans les couloirs d’un hôpital public qu’on daignât la panser ? Nul ne l’imagina.
Pendant ce temps, la Nuit des Longs-Stylets continuait dans la capitale pour la prise du fauteuil de bourgmestre. Le petit duc de Grivot, passé maitre en l’art des coups bas et invectives, annonça haut et fort ne point douter de la loyauté de son adversaire mais néanmoins frère d’armes, monsieur de Vile-Ani. Il avait fielleusement fait savoir un mois auparavant que ce dernier se ferait « désosser » s’il entendait participer au Tournoi. De leur côté, les partisans de Monsieur de la Jade D’Eau -lequel ne touchait plus terre depuis sa victoire du mois de mai, et ne trouvait plus aucun couvre-chef assez grand pour protéger du soleil son auguste crâne- firent savoir qu’il était « hors de question » de faire alliance avec la duchesse de l’Ide-Algot. Monsieur de la Jade D’Eau se rêvait un destin interplanétaire. Le monde était trop petit pour ses ambitions.