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Chronique du règne de Manu 1er dit Le Liquidateur.

Chronique du 12 janvier.

Rantanplan-Grand-Chien-Policier-De-Sa-Majesté était essoufflé. Il venait de parcourir ventre à terre le pays dans tous les sens pour compter ces damnés Engiletés. C’était à n’y comprendre. Voilà que quasiment toutes les villes et les villages s’étaient à nouveau couverts de jaune pour cet acte IX, telle une maudite floraison qui donnait de l’urticaire à Notre Toussotant Anaphylactique à nouveau terré au fin fond de son palais. On avait pourtant tout mis en œuvre pour faire cesser cette inconvenante révolte. Le petit duc de Grivot, encore lui, avait, dès le lundi qui suivit l’acte VIII, couru de gazettes en gazettes pour se répandre d’importance sur sa mésaventure, alors que d’aucuns lui avaient conseillé la discrétion. Las ! Ce pompeux personnage eut ces mots : en s’attaquant à lui, c’est à la « Maison France » que l’on s’était attaqué. De mémoire d’historien, la dernière fois que cette expression avait été publiquement utilisée, c’ était par ce vieux maréchal honni dont Sa Réactionnaire Errance avait tenté de blanchir la mémoire irrémédiablement entachée d’indignité. On était définitivement fixé sur les références du petit duc, il ne pouvait prétendre cette fois avoir fait une erreur. Mais il trouva dans monsieur de Amon et dans monsieur de la Fore, deux barons du parti à la Rose, deux ardents défenseurs de sa péteuse petite personne.

Puis ce fut le Premier Grand Chambellan, monsieur le duc du Havre, qui s’exprima de manière fort martiale sur la Première Lucarne Magique. Il annonça un durcissement de la répression contre les inconséquents qui osaient battre le pavé. On les compterait, on les ficherait, puis on les embastillerait. Certains parmi les argousins, qui possédaient encore une once de bon sens héritée de la vieille République, se demandèrent comment on pouvait encore durcir la répression. Beaucoup d’Engiletés avaient eu la gueule cassée, ou avaient été éborgnés, ou encore étaient devenus manchots. Pour eux et pour elles, le Premier Grand Chambellan n’avait pas eu un seul mot de compassion. Leurs blessures étaient des blessures de guerre. La réponse leur fut donnée par un ancien Chambellan à l’Instruction du roi Nico dit le Nabot. Ce haut personnage, tout infatué de lui-même, qui répondait au nom de monsieur de Fairy, et qui professait jusque là une forme de complaisance pour cette fronde – il appartenait au parti de monsieur de Voquier, le duc de La Loire – se laissa aller à faire entendre le fond de sa pensée sur une gazette, où il n’était d’ordinaire question que de musique, celle dont on dit pourtant qu’elle adoucit les mœurs. Ce monsieur de Fairy se mit à éructer contre les Engiletés, des « excités d’extrême droite et d’extrême droite, des voyous des cités » et appela l’armée et la maréchaussée à tout bonnement tirer dans le tas, pour qu’on en finisse enfin. Les auditeurs et auditrices en furent tout ébaubis. C’était à croire que soudain Monsieur de Fairy avait été happé par une faille temporelle et qu’il se retrouvait face à la Commune de Paris. Monsieur de Fairy était un Versaillais.

Cette nouvelle folle semaine resterait dans les mémoires comme celle des cagnottes. Le dimanche qui suivit le samedi de l’acte VIII, Un Engileté, qui faisait profession de vivre de ses poings, était allé se présenter à la maréchaussée. Il avait été reconnu comme étant le quidam qui avait cogné sur deux argousins. Avant de se livrer, il s’expliqua sur les Réseaux Sociaux. Il avait participé à tous les actes depuis le début de la Grande Gileterie. La colère lui avait pris de voir des femmes et des vieillards pris pour cible par les forces de l’ordre. Il avait frappé. Il n’en était pas fier. Aussitôt se fit un grand mouvement de solidarité pour que se constitue une cagnotte pour aider la femme et les enfants de celui qui apparaissait aux yeux de beaucoup d’Engiletés et aua, le duc de la Muse, qui présidait aux destinées de la province, lança une cagnotte pour faire soigner les argousins blessés. On ne savait de qui il parlait. Personne de chez eux n’avait eu à déplorer les blessures que l’on voyait chez les Engiletés. Mais le duc, qui voulait se faire bien voir de Notre Sanglant Monarc. fit grand bruit autour de sa cagnotte. La récolte d’une somme considérable se fit curieusement de nuit. Qui étaient vraiment ces très-très-généreux donateurs ? Le doute était pour le moins permis. Un des grands chefs des argousins fit savoir qu’ils n’avaient rien demandé. Où irait cet argent?

D’aucuns facétieux lancèrent alors une cagnotte pour acheter un bâillon à la marquise de Chiappa. Mille écus furent récoltés en moins de temps qu’il ne fallait pour le dire. Là, point de généreux donateurs, mais de petits dons donnés par beaucoup. En revanche, nul ne songea à lancer une cagnotte pour monsieur de Fairy, lequel, depuis sa martiale saillie – qu’il avait pourtant démenti à cor et à cris- n’osait plus sortir de chez lui. On avait découvert qu’il touchait depuis des années de confortables émoluments de chaire de philosophie d’ une université dont on se demandait s’il y avait seulement un jour mis les pieds. Ces émoluments, ajoutés à sa non moins confortable retraite de Chambellan, pouvaient lui permettre de payer des gardes du corps.

Ce fut ensuite au tour de la petite duchesse de Bergeai de passer à l’offensive. Faire partie des braves soldats de Son Ivresse des Altitudes se méritait. Il fallait chaque jour payer de sa personne. La duchesse, dont la sottise n’avait d’égal que la bassesse, demanda au Procureur de poursuivre en justice deux instigateurs des Insoumis, pour avoir « armé les esprits ». Diantre ! La duchesse se payait de mots, mais certains doutèrent qu’elle les eût trouvés toute seule.

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Depuis son lointain palais du Maroc, entouré de ses serviteurs, le grand phare de la philosophie-en- bras-de-chemise, et grand dithyrambiste du régime, monsieur de Béachelle, s’exprima. Selon lui, les Engiletés trahissaient l’histoire du mouvement ouvrier. Le but de ces gueux d’aujourd’hui n’était pas comme celui de leurs glorieux ancêtres, de gagner mais de détruire. « Qui se soucierait donc du sort des déshérités ? » se lamentait ce grand humaniste.

Mais que devenait pendant ce temps Notre Bienveillant Jupithiers ? Méditait-il encore et encore sa lettre ? Celle que les Riens et les Riennes attendaient avec tant d’impatience et qui lancerait le Grand Déba(rras) ? Que nenni. Il songeait à ce qu’il ferait servir aux Saigneurs de la Phynance quand il les recevrait en grande pompe à Versailles. Sa Capricieuse Modestie venait de décider qu »Elle ne se rendrait pas comme l’an passé dans cette très sélect station helvétique où se réunissait chaque année le Gotha. Il était infiniment plus chic d’utiliser Versailles, et ce aux frais des Riens et des Riennes. C’était ce qui convenait à Notre Divin Amphitryon. Entouré de tous les siens, il pourrait à nouveau briller tel l’astre qu’il était. A propos de roi, nos Pipolesques Altesses durent sacrifier à la traditionnelle galette. On les vit posant majestueusement près d’une énorme pâtisserie. Sa Gourmande Grandeur prit la parole à cette occasion. Ce fut pour tancer ses vils sujets : trop d’entre eux n’avaient plus « le sens de l’effort ». Cette expression faisait exactement écho aux propos prononcés bien des années auparavant par ce monsieur Pétain dont il fut question plus haut. Ce personnage n’était pas la référence du seul petit duc, mais constituait bel et bien le sel de la Complexe Pensée de Notre Grand Réactionnaire. « L’esprit de jouissance l’a emporté sur l’esprit de sacrifice. On a revendiqué plus qu’on a servi. On a voulu épargner l’effort, on ne rencontre aujourd’hui que le malheur. »

Un commentaire sur “Chronique du règne de Manu 1er dit Le Liquidateur.

  1. Troisième ligne il manque un Rien…c’est pas grand chose !

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