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Chronique du règne de Manu 1er dit le Turpide.

Chronique du dimanche 14 octobre.

Son Impuissance Horlogère était de retour de la lointaine Erevan, où elle s’en était allée glorifier la langue française et oublier tous les petits tracas qui lui pourrissaient sérieusement son règne. Les gazetiers se momifiaient littéralement d’attendre le Grand Remaniement. Ils scrutaient nerveusement les cheminées du Château, mais en vain. Agacé, notre Petit Maitre revendiqua, depuis l’Arménie, de vouloir « prendre son temps ». « J’essaye de faire les choses en professionnel » énonça sa Splendide Hauteur. Nous n’avions plus un monarque, mais un petit chef du personnel …

Il faut dire que les choses s’étaient singulièrement compliquées depuis que le vieux duc de Colon avait, contre toute attente, pris la poudre d’escampette, et ceci en dépit de la volonté de notre Minuscule Timonier. Sa Vacillante Flétrissure avait voulu exiger du Premier Grand Chambellan – qui risquait, le pauvre, de finir coupé en deux, à force de se scinder le fondement – qu’il démissionnât, afin de le renommer illico et de prouver au monde entier qu’il tenait encore les rênes du carrosse….Las ! Le duc du Havre refusa. Il ne voulait point être obligé de repasser devant la Chambre Basse, pour obtenir la confiance des Godillots. Il l’obtiendrait, certes, mais de façon moins éclatante que la première fois, et cela, le Premier Grand Chambellan ne pouvait l’envisager. Là-dessus, voilà que le Grand Caniche de sa Majesté, le sieur Casse-Ta-Mère menaça de démissionner de ses fonctions – on ne savait plus vraiment lesquelles tant il brassait du vent – s’il n’obtenait pas la Chancellerie des Affaires Intérieures. Un remplaçant pour le vieux duc avait été approché – il avait été grand scribe au Château du temps du roi Nico dit le Nabot – et était disposé à accepter, mais il fallut tout arrêter. Monsieur du Havre continua ses périlleuses acrobaties. On le vit dormir à l’Assemblée pour y reposer son fondement bien mis à mal. Beaucoup firent fielleusement savoir que le Château les avait sollicités, mais que non, merci, non vraiment, ils se voyaient contraints de refuser. En bons hypocrites qu’ils étaient, ils souhaitaient tous beaucoup de bonheur au futur gouvernement de notre Contrarié Bambin. Il se trouvait heureusement quelques affidés du Parti à la Rose, qui n’avaient point encore trahi et qui attendaient leur heure, patiemment, ainsi que des proches du duc de Béarn – lequel avait été un très éphémère Grand Chambellan aux Balances, dans les premières heures de l’avènement de son Ivresse des Profondeurs, et réaffirmait à qui voulait l’entendre son indéfectible attachement à la précieuse personne de notre Orgueilleux Roitelet. Que ne ferait-on pour des couverts en argent à la table royale, même à bord d’un vaisseau qui commençait à tanguer sérieusement ?

Pendant ce temps, la StartupNation continuait de récompenser les fidèles, sa Grandeur Chiffonnée y veillait personnellement. On vit ainsi le marquis de la Buze – dont l’épouse était Chambellane de la Santé – devenir Haut-Conseiller-Extraordinaire en droit, lui qui n’avait jamais pratiqué cette noble matière. Il avait été carabin, puis avait pantouflé ici et là. Il avait tout à voir avec les médecins du grand Molière. C’était un important qui voulait se caser. On le casa donc. Notre Népotique Freluquet casa aussi une des ses chères amies, qu’il fit nommer Grande Maitresse d’Académie. Il fallut, pour la faire accéder à cette charge, modifier quelque peu les règles. Qu’à cela ne tienne, on modifia. La marquise de Chiapa, qu’on n’avait point entendue pendant longtemps, accompagna sa Divine Pensée en Arménie. Elle avait en vue une autre Chancellerie. Elle flagorna donc tous azimuts. Elle trouvait à notre Immense Phénix « un côté christique ». Elle clama à qui voulait l’entendre que les petites gens aimaient le toucher. Depuis les folies de Saint-Martin, on savait que Notre-Seigneur aimait laisser venir à lui les aigrefins et les malandrins quand ils se doublaient de beaux et sombres éphèbes. Voilà maintenant qu’on appelait les scrofuleux et les paralytiques…Les appétits de pouvoir n’avaient aucune limite dans la StartupNation.

Les folies de Saint-Martin avaient néanmoins eu des conséquences. Elles avaient considérablement refroidi la belle amitié qui liait sa Neigeuse Honorabilité et le duc de Ville-Iller, ce sourcilleux chouan. Le duc disait conserver à notre Minuscule Turpide toute son affection, mais il le tança d’importance dans la Gazette du Perruquier. « J’ai compris qu’il n’avait pas compris ». Monsieur de Ville-Iller n’avait point trouvé de son goût les trémoussantes gesticulations lors de la Fête de la Musique, et encore moins l’escapade dans la cabane, sur l’ile de Saint-Martin. Le duc voyait dans sa Mirifique Petitesse comme un jumeau hybride du roi Nico dit le Nabot, lequel s’était brûlé les ailes à vouloir se montrer partout et à parader tel un petit phénix. Un philosophe de renom, qui se faisait de plus en plus rare, mais dont la parole se recherchait, accorda une longue entrevue à une gazette. Il fit plus qu’étriller notre Minuscule Jupi, il l’éparpilla, il l’atomisa, il le ridiculisa. Sa Complexe Grandeur fut qualifiée de « puceau de la pensée », « élu dans un moment d’hallucination collective ». Les Riens et les Riennes continuaient leur dur labeur quand ils et elles en avaient encore un, et se faisaient faucher par des carrosses lancés à toute allure quand ils cherchaient à traverser la chaussée pour trouver un autre travail, moins bien rémunéré, mais il fallait vivre et tout coûtait. Gracchus Mélenchon fut questionné par des gazetiers légèrement moins méprisants que d’ordinaire et il put ainsi expliquer aux Riens et aux Riennes qui l’écoutèrent ce qui se tramait en haut lieux : les querelles intestines dans les couloirs du Château, le bras de fer engagé entre notre Poudreux Myrmidon et monsieur du Havre, lequel apparaissait de plus en plus pour les Factieux de la Droite comme un véritable chef, en un mot comme en cent comment sa Grandeur Étriquée – tout avait commencé avec l’affaire du Sieur de GrosBras- se trouvait réduite à ne plus pouvoir compter que sur la bande de fidèles irréductibles, laquelle brillait par son absence totale de scrupules et d’intelligence.

C’est cette bêtise en bande organisée qu’un autre tribun des Insoumis, Gracchus Rufinus, dénonça haut et fort à la Chambre Basse. Dans sa rouge colère, il compara les Godillots de la Faction de notre Egocrate Versaillais à de petits pantins, ne sachant que voter en cadence pour rejeter tout projet qui ne venait pas de leurs rangs, fût-il de nature – ou parce que précisément à cause de cela- à arranger quelque peu la vie de Riennes qui faisaient la difficile profession – mal rétribuée et très méprisée- d’accompagner des bambins infirmes à l’école et de les aider à devenir des escholiers comme les autres.

De l’autre côté des Alpes, la peste brune progressait inexorablement. Les Haineux au pouvoir se déchainaient contre les étrangers. L’infâme Condotiere Salvini – le grand ami de sa Turpide Majesté – avait fait arrêter un bourgmestre du sud de la Botte qui avait osé accueillir dans son village quasi-vide de pauvres gens, qui avaient retrouvé là le goût de vivre, après l’épouvantable traversée de la Méditerranée sur leurs pauvres coques de noix, et qui ne demandaient rien d’autre qu’une toute petite place dans ce monde. C’en était trop pour les Haineux. Le bourgmestre fut arrêté et les pauvres hères raflés. Le Condotiere ne voulait pas s’arrêter en si bon chemin. Il proposa aussi que fussent soumis au couvre-feu toutes les petites échoppes « ethniques », repère selon lui et ses sbires de gens qui ne pensaient qu’à semer le trouble.

L’heure était bien noire sur l’Europe. Mais aucune fumée blanche ne montait toujours des cheminées du Château. La vieille République continuait pourtant à fonctionner. A quoi donc servait le Chambellan des Affaires Intérieures ?

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