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Chroniques du règne de Manu 1er dit Le Turpide.

Chronique du 19 au 26 août

Les vacances des escholiers et de leurs fainéants professeurs s’amenuisaient. Celles de notre Divin Maitre étaient officiellement terminées. On avait fait préparer les malles, les assiettes avaient été soigneusement emballées et la Cour avait repris le chemin de la capitale. Sa Grandeur Chiffonée était d’une humeur maussade. Les nouveaux carottages de l’opinion que ses bien-détestés sujets avaient de lui et de ses actes n’étaient point bons. Notre Dépité Monarc avait encore perdu des points. Les préposés à ces savantes manipulations avaient beau tripatouiller les chiffres, il fallait se rendre à l’évidence,  un an et quelques semaines après le début de son règne, les sujets de sa Généreuse Petitesse se montraient bien ingrats. Ils n’étaient qu’une poignée à penser que les réalisations à venir du Grand Manager de la StartupNation leur seraient bénéfiques. Cette poignée d’heureux béats était constituée en son cœur des Très-Riches-Amis qui avaient manoeuvré pour que notre Divin Banquier accédât au trône, lesquels amis s’étaient vus et continuaient de se voir mirifiquement remerciés par sa Grande Largesse.

Les affaires continuaient de cerner notre Impassible Tartarin, qui sitôt de retour dans la capitale, fit force moulinets des bras pour affirmer aux gazetiers que « le rythme des réformes ne faiblirait pas ». Le bras gauche de son Eminence Amputée n’avait point reparu. La justice avait renoncé à toutes poursuites pour la disparition du mystérieux coffre, au motif que le sieur de GrosBras avait fort diligemment fourni des explications. Cette grande mansuétude faisait rêver tous les aigrefins et autres tire-laines du pays qui se seraient trouvés bien aise de se tirer à si bon compte de leurs larcins et autres malfaisances. Quant au bras droit de notre Sublime Manchot, le très précieux baron de Khol-Air, il continuait de se murmurer qu’il avait bien trempé dans de louches et familiaux tripatouillages. Une autre des courtisanes attitrées de la StartupNation avait elle aussi défié la loi. C’était la Chambellane en charge de la Culture et des Vestiges, la baronne de Nicène. Avant de prendre ces très hautes et très distinguées fonctions, la baronne avait été éditrice de brochures et autres fascicules. Elle possédait à la Capitale un fort bel endroit qu’elle désirait agrandir, mais il fallait pour ce faire solliciter de très ennuyeuses et surtout coûteuses autorisations dont notre baronne se passait fort bien. Las, l’affaire fut révélée mais elle n’émut point cette audacieuse qui confia à des gazettes qu’elle n’avait pas songer à démissionner. Elle reçut le soutien de la plus acharnée des partisanes de sa Sublime Complexité, la petite duchesse de Berre-Geai, laquelle se répandit partout pour exprimer tout sa confiance à la baronne de Nicène, dont elle ne doutait pas de la probité. Cette affaire était encore selon elle « une volonté d’entraver l’action du gouvernement ». Ce qu’on reprochait à la baronne n’était que vétille, et du reste, la maison d’éditions de Mme de Nicène allait s’empresser de se mettre en règle. Qu’on regardât donc ailleurs, plaida notre duchesse.
Cette madame de Berre-Geai était la risée des réseaux. Elle passait pour être tout en même temps girouette et fort sotte. Elle avait tout au long de sa jeune carrière de courtisane changé plusieurs fois de camp, et soutenu tour à tour le fort sourcilleux et broussailleux Duc de Sablé, puis le roi Nicolas 1er dit le Petit. Après que ce dernier eut achevé son règne, on trouva la duchesse du côté de chez le Duc de Bordeaux, lequel ne parvint pas, malgré les prodigieux conseils de madame de Berre-Geai, à se faire élire champion de la Faction de la Droite pour le Tournoi de la Résidence Royale. Notre duchesse trouva enfin, dans la Faction de celui qui allait devenir notre Grand Turpide, le lieu idéal où faire admirer les grandes qualités qu’elle portait en sautoir : la bêtise, la suffisance et la vanité la désignèrent aux yeux de sa Future Altesse comme une précieuse et incontournable courtisane, pour former sa garde rapprochée d’inconditionnels admirateurs, toujours prêts à le servir en tous points.

La duchesse de Berre-Geai confiait avoir une inspiratrice : la terrible Maggie, The Iron Lady, appelée aussi Tina, la fossoyeuse de la classe ouvrière britannique et des nationalistes irlandais. Nous étions prévenus.

Pendant que la Chambellane à la Santé et à la lutte contre la Pauvreté, la marquise de la Buse, affirmait sans sourciller que le gouvernement de notre Sulfureux Banquier avait « envie de lutter contre les inégalités du destin », que « les prestations monétaires réparent mais ne permettent pas aux gens de s’inscrire dans un projet de vie », pour conclure sur cette phrase si parfaite de suffisance et qui suintait tant la vérité : « nous avons réduit le taux de pauvreté en France », la compagnie des Aéroplanes, qui appartenait autrefois à la République, se voyait dotée d’un nouveau président, lequel exigea – avant même de prendre ses fonctions et de commencer la vilaine besogne pour laquelle il avait été recruté- que ses émoluments augmentassent fort généreusement et qu’il fût mirifiquement logé. Il obtint tout ce qu’il voulait. Les Riens et les Riennes apprirent dans le même temps, par la bouche du Grand Chambellan, le duc du Havre, que ces fameuses « prestations monétaires », qui étaient si utiles à celles et ceux pour qui la fin du mois commençait le 5 du dit mois, et tenaient lieu, n’en déplaise à madame de Buse, de « projet de vie », allaient être gelées. Les prix pourraient augmenter, le chômage aussi, mais pas ces prestations qui « coûtaient un pognon de dingue », pour reprendre la brillante formule de notre Révéré Tyran. Il fallait montrer, avait doctement expliqué le duc du Havre, que « le travail paye ». C’était là une bien étrange formule quand on songeait que les seuls émoluments à grossir étaient ceux des Actionnaires.

Les Insoumises et les Insoumis s’étaient réunis à Marseille pour se remplir la cervelle d’arguments et fourbir leurs armes : les mots qui allaient leur servir lors du prochain Tournoi pour élire les Représentants au Parlement de l’Europe. La bataille pour faire advenir une nouvelle République allait entrer dans une phase d’importance. De son côté, Le Parti à la Rose, la faction qui avait fourni au pays deux rois, et qui naguère organisait à la Rochelle de très courues Universités estivales, en fut réduit en cette année de disette à ne se retrouver qu’entre barons et baronnes tenant encore quelques fiefs, les partisans et partisanes ayant soit déserté, soit transfugé à la faction de notre Jupitout Ailé, où l’ambiance n’était pas plus au beau fixe. La vie de la faction était au point mort. Il ne se passait plus rien. Du côté de la faction de la Droite, on se dispersa de nouveau en chapelles concurrentes. La marquise de Paiqueresse réunit gaillardement les siens à Brive pendant que le fougueux duc de la Loire, monsieur de Voquier, conviait ses partisans à se hisser avec lui au sommet d’une petite éminence, dans son fief. Cette guerre intestine entre la marquise qui entendait rester libre, et le duc dont les dents rayaient les parquets et qui pensait que la place des femmes en politique se trouvait du côté de la cuisine pour y faire des confitures, fâchait fort les partisans. Du côté du duc, on disait qu’il fallait mettre fin à tout cela, et que le temps était venu de « chasser en meute ». Notre Très-Haut n’avait plus qu’à compter ses abattis.

 

Un commentaire sur “Chroniques du règne de Manu 1er dit Le Turpide.

  1. Bravo ! Toujours aussi excellent. Rien de tel que des rires pour commencer la journée… Savoir exposer des histoires vraies et graves sur le ton de l’humour est tout un art, mais ô combien efficace, pour décrire le très haut degré de malfaisance et de crapulerie dont sont atteints « les bandits crocheteurs scélérats » tous placés là par la « main gantée de noir » issue de la « machine » infernale…

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