Chronique du 27 juillet.
« Une tempête dans un verre d’eau ». Notre Fieffé Manipulateur avait suivi mot pour mot les conseils des ses Conseillers, ces gens payés fort cher qui avaient oeuvré pendant des jours au Château pour échaffauder la riposte à ce qui prenait les proportions d’une affaire d’Etat. Sa Pétocharde Petitesse avait fait annuler sa Sainte apparition sur le Tour de France prévue pour le mercredi. Le mardi, la Commission des Lois – qui faisait donc office de Commision d’Enquête sur ce qui désormais occupait bien des discussions des Riens et des Riennes- entendit le Préfet de la Maréchaussée, lequel parla des relations qu’entretenaient le Sieur de GrosBras et quelques officiers de ses services en ces termes : « copinage malsain ». Tout était dit.
Le tribun Gracchus Mélenchon demanda que son Impériale Altesse fût entendue par ladite Commission, car tout ce qui se révélait de cette stupéfiante affaire, et en premier lieu les mensonges, les omissions, les énormités entendues ici et là, nous amenaient à notre Mouillé Souverain.
Les troupes de la Faction de sa Turpide Hauteur commencèrent les manœuvres l’après-midi même de ce mardi 27 juillet, lors de la séance des questions au gouvernement. Ils multiplièrent les interventions les plus surréalistes sur des questions qui, même si elles avaient un fondement, apparaissaient à des milliers de lieues de la situation. Le Grand Premier Chambellan mentit droit-dans-ses-bottes à plusieurs reprises sur les soi-disant sanctions que le Château disait avoir pris à l’encontre du Sieur de GrosBras. Un Grand Officier de la Maréchaussée, qui avait affirmé la veille devant la Commission que le nervi de sa Très-Protégée-Petitesse avait été vu à ses côtés pendant la période où il aurait du être mis aux fers et au cachot, effectua une délicate manœuvre de repli en déclarant piteusement que la veille, il avait « mal compris la question ». La Marquise de Montretout, qui avait été à l’origine de ladite question, s’était pourtant exprimée à haute et forte voix comme à son accoutumée. Les commentateurs hésitèrent donc entre sénilité précoce – à l’instar de ce qui arrivait au Grand Chambellan duc de Colon- et surdité fulgurante. C’était une véritable épidémie…
On apprit l’après-midi même par les représentants de la Corporation de la Maréchaussée que le Sieur de GrosBras était fort enclin à insulter les sous-officiers et les officiers qui formaient la garde habituelle des monarques républicains. Ils usèrent du vocable de « cador » pour le dénommer, employèrent les quaficatifs « exécrable » et « indigne » pour parler de son comportement. La conclusion était sans appel : le Sieur de GrosBras « faisait régner la terreur » en pratiquant « une intimidation constante et récurrente ». Il se disait que le Grand Nervi avait un secret dessein : transformer le fort de Brégançon et sa piscine en bois précieux en place fortifiée avec douves, pont-levis, cachots et oubliettes pour notre Petit Duce.
Son Infinie Ivresse des Altitudes prit enfin la parole. Ce fut le soir même de ce faste jour, à la Maison de l’Amérique latine, où la Faction de notre Arrogant Prince organisait un raout pour fêter la fin de la session parlementaire. Devant un parterre de courtisans et de courtisanes tout acquis à sa cause, sa Persifleuse Sérénité attaqua la presse « qui ne cherchait plus la vérité », il joua de l’anaphore – un procédé breveté par le roi Françoué – pour expliquer tout ce que le sieur de GrosBras n’était pas ou ne possédait pas. Tout ceci était bien entendu à entendre au cinquante deuxième degré, et toute la cour de se gausser lorsque notre Ardent Fornicateur nia que le Sieur de GrosBras fût son « amant » . Puis notre Vibrionnant Tartarin assuma : « c’est MOI le responsable, martela-t-il devant des bouches béates d’admiration et des langues pendantes jusqu’au sol, qu’ILS viennent me chercher, je réponds devant le peuple français ». Lequel peuple découvrit, ulcéré, dans les Lucarnes Magiques, sa Puérile Rotomontade se livrer à cet exercice fort vain en vérité. Dans la Cinquième République telle que l’avait fomentée Mon-Général bien des années plus tôt, le Roi-Président était au dessus de tout, il n’avait aucun compte à rendre – ou presque, ce qu’expliquaient patiemment le tribun Gracchus Mélenchon et d’autres quand ils disaient que la Commission d’enquête de l’Assemblée Nationale pouvait tout à fait entendre le Monarc – et les Riens et les Riennes se demandèrent qui donc était ce ILS dont sa Nargueuse Suffisance parlait en faisant des moulinets de bras et des ronds de jambe. Notre Racailleux Tartarin ne craignait rien en provoquant ainsi ses adversaires, protégé comme il l’était, par la Constitution qu’il voulait rendre encore plus favorable à sa Royale Personne, et par ses courtisans et courtisanes qui n’en pouvaient plus de flagornerie et de sottise. Pour clore cette glorieuse séance, son Impériale Suffisance fit applaudir par ce parterre bavant et baveux le sieur de GrosBras.
Gracchus Mélenchon eut ces mots : « ce président se comporte en chef de clan . Cette affaire est une blessure à la Répulique ».Cette façon de traiter l’opposition était, selon lui, celle d’une dictature. Il en appelait au principe de Vertu qui ne pouvait, dans une démocratie, être séparé de celui du Droit. On comprenait à travers les propos de notre Poudré Conducator que l’opposition devenait un ennemi de l’Etat et de la République.
Le lendemain, notre Tapageuse Hauteur s’en fut du côté de Bagnères de Bigorre, dans le Pays Basque . On l’entendit persifler à des gazetiers sur la canicule qui devait affecter la capacité d’entendement des Riens et des Riennes. Cette affaire n’en était pas une, personne du reste n’en parlait ! Quelques béats, qu’on était allé chercher pour l’occasion et qu’on avait rémunérés en croquettes, approuvèrent, aussi béatement que les Courtisans l’avaient fait la veille, le Divin Verbe. Sa Morgueuse Suffisance parla du Sieur de GrosBras comme d’un « collaborateur exceptionnel ».
Dans les jours qui clôturèrent cette semaine, la faction de notre Jupitou Aux-Petits-Bras entrava de telle façon les travaux de la Commission d’enquête qu’un député de l’opposition, le Duc de l’Arrivée qui en était, avec la très obéissante et très zélée marquise de Pivert, le co-rapporteur, claqua rageusement la porte, suivi des tribuns Insoumis. Il restait fort heureusement la Commission de la Chambre Haute pour continuer à lever le voile sur les turpitudes de notre Machiavélique Souverain.
Le Sieur de GrosBras n’était pas du tout un homme isolé et lâché par son Suzerain. Dûment encadré par une Grande Amie de la Reine-Qu-on-sort, une femme fort habile en la science de la communication, et par un autre homme de l’ombre, au trouble passé, et donc proche du Jupitérien Trône, il accorda une longue entrevue à la gazette qui avait levé le lièvre la semaine précédente, laquelle gazette avait pourtant oeuvré avec grand zèle à la victoire de notre Turpide Souverain au tournoi de la Résidence Royale. Il résulta de cette entrevue un amas de fadaises : les entrées à l’Assemblée Nationale pour y faire de la culture physique -alors que la salle dévolue à cette hygiène était une des plus lugubres qui soient aux dires de ceux qui la pratiquaient et qui n’y avaient jamais croisé le Merveilleux Collaborateur de sa Précieuse Eminence, le sentiment d’avoir fait « une grosse bêtise » – alors qu’il n’encourait pas moins de cinq chefs d’accusation pour ses agissements lors de cette décidément bien curieuse journée du 1er mai, de provocations – pour le Sieur de Grobras « les syndicats de police [ne disaient] que des conneries », et une grande vérité : « tout à l’Elysée est basé sur ce que l’on peut vous prêter en terme de proximité avec le Chef de l’Etat. Est-ce qu’il vous a fait un sourire, appelé par votre prénom .. C’est un phénomène de cour. Le Grand Nervi, qui n’avait qu’un seul but avoué dans la vie, « que le président soit bien » réitéra ses confidences à La Première Lucarne Magique. Ses propos, filmés et enregistrés à l’avance – de peur qu’il ne se mette à vouloir se déguiser en journaliste ou en procureur, calibrés au demi-pouce près, sans aucun doute relus par sa Sourcilleuse Altesse, furent diffusés à une heure de grande écoute, pour la plus grande stupéfaction des Riens et des Riennes. Il y apparut ripoliné de frais, rasé, poudré, pomponné, habillé par le meilleur tailleur de la capitale. La confession de ce Dévoué Serviteur – qui disait n’avoir agi qu’en vertu d’un article de loi qui autorisait quiconque à se substituer aux forces de la Maréchaussée dès lors que celles-ci étaient absentes, oubliant au passage que tout ceci s’était effectué au milieu d’un escadron de la Compagnie de Sécurité – s’acheva sur ces fortes paroles : « ce n’est pas une affaire d’Etat, mais une affaire d’été ». La Marquise de Chiapa elle-même, qui était passée maitresse en l’art de tronquer les propos des gazetiers, et qui s’était autoproclamée cheffe d’escadron des Pompiers, fut verte de jalousie de n’avoir point trouvé cette saillie.
Cette même semaine, quelques partisans de sa Cynique Suffisance votèrent la loi dite de l’Asile et de l’Immigration, laquelle permettait désormais d’enfermer trois longs mois des enfants qui n’avaient commis que le seul crime d’être étrangers et d’avoir échappé à moult horreurs avant de poser le pied dans notre beau pays.