Le mois de juin tant attendu par sa Sérénissime Arrogance était arrivé, mais las pour les Riens et les Riennes, le ciel ne s’éclaircissait point et il leur semblait que sa Dédaigneuse Petitesse avait aussi privatisé la science des nuages, comme il s’apprêtait à le faire pour le nom du Château où il résidait.
Notre Bronzé Suzerain- il était apparu sur quelques clichés le visage comme passé au brou de noix, bien qu’en l’occurrence ce ne soit en réalité que le résultat de plusieurs heures passées sous de puissantes lampes, lesquelles imitaient le soleil que sa Décadente Altesse avait effectivement fait mettre sous scellés pour punir ses sujets- avait pris connaissance des sondages désastreux pour lui et son grand flandrin de Premier Chambellan. Qu’importe ! Une abracadabrante histoire qui avait fait les choux gras des Réseaux Sociaux sur la Toile Magique avait permis, à la fin de cet horrible mois de mai, à sa Romanesque Grandeur de recevoir – soi-disant en privé, alors même qu’un malencontreux cliché avait montré la meute des échotiers et des photographes massée sous les ors du salon de réception- un authentique héros comme sa Divine Majesté les aimait ; un de ces « sans-papiers » ,que le Duc de Collomb, imitant en cela la Châtelaine de Montretout dont il sera question dans une prochaine chronique, rêvait de noyer, même si c’était hélas le sort que bien de ces pauvres gens subissaient, mais cela n’était pas assez pour le chef de la Police du Royaume StartUp, un de ces sans-papiers donc, avait, le dimanche 27 mai, accompli un acte de bravoure : il avait sauvé un bambin qui s’était trouvé accroché par les bras à une rambarde de balcon, son petit corps pendant dans le vide. Un quidam avait bien entendu enregistré la scène à l’aide de cet objet universellement répandu, le smarphone, et l’avait diffusée sur la Toile Magique. On y voyait un agile jeune homme – hélas pour lui, noir donc forcément étranger, forcément clandestin- grimper à mains nues un immeuble et procéder au sauvetage du bambin. Notre Bien-Détesté Monarc, dont le peuple savait qu’il avait au moins dix de ces smartphones perpétuellement branchés, avait bien entendu pris connaissance de ce haut-fait et vu là une occasion de redorer sa réputation, quelque peu ternie, il faut bien le reconnaitre. Sa Poudreuse Grandeur accorda sur-le-champ la naturalisation à ce jeune homme, et lui proposa d’intégrer le prestigieux bataillon des Sapeurs-Pompiers de la Capitale. Cela ne coûtait rien à notre Révéré Banquier, même s’il dut calmer les ardeurs du Duc de Collomb, lequel s’était mis en tête de faire évacuer manu-militari tous les sans-papiers de France et de Navarre avant qu’ils et elles ne commettassent à leur tour un acte héroïque.
Notre Jupitérien Nabot avait d’autres soucis : le tribun Mélenchon ne cessait de monter dans les sondages – les sérieux, et non les fantaisies que les échotiers-nourris-aux-croquettes-et-dotés-de-salaires-faramineux s’amusaient en badinant à commenter sur tous les plateaux des Lucarnes Magiques- et il fallait l’abattre à tout prix. Sa Machiavélique Petitesse regrettait-elle in petto que des nervis, adeptes d’idées somme toute pas si nauséabondes – Notre Sombre Souverain ne recevait-il pas avec un immense plaisir le Duc de Vendée, le sieur DeVilliers, avec lequel il aimait à s’entretenir, lequel duc, cela n’était mystère pour personne, était un adepte du retour de la royauté absolue, et professait le plus profond mépris pour tous ces sauvages et ces communistes que la Révolution, ce grand malheur, avait fait fleurir comme de mauvaises herbes- n’aient réussi leur attentat contre la personne de Gracchus Mélenchon ? Nous ne le saurons jamais. Mais toujours est-il qu’il avait suivi les conseils de son Chef de la Police, et que ce fâcheux de Mélenchon faisait l’objet de « surveillances », lesquelles n’étaient évidemment point destinées à le protéger … Dans le même temps, le Parquet-aux-Ordres avait fait ouvrir une enquête sur les comptes de campagne de cet ancien candidat au Tournoi de la Résidence Royale. Les partisans et les partisanes de ce décidément trop bouillant tribun avaient hurlé -avec raison- à l’acharnement et avaient fait valoir que les comptes de Sa Grande Turpitude, dans lesquels apparaissaient on ne peut plus clairement les ristournes consenties par les Très-Riches-Amis, avec espérance, depuis récompensée, de recevoir en retour des gratifications, étaient loin d’être clairs….et que la Justice ferait bien mieux d’enquêter là-dessus. Et voilà que des indiscrétions faisaient savoir que le Président de l’organisme chargé de vérifier ces histoires de financement de campagne avait reçu une augmentation plus que substantielle de ses appointements…